Notre avenir est plus que jamais incertain. Pourtant, cela fait des siècles que nous le savons pertinemment. On manque très souvent de bonnes nouvelles pour notre futur. Or, la bonne nouvelle qui est tombée le 4 octobre 2021, c’est le prix Nobel dédié à la médecine et à la physiologie qui nous la délivre. Comment la température et les stimuli mécaniques sont-ils convertis en impulsions électriques dans le système nerveux? En connaissant la réponse et en continuant d’explorer dans ce domaine, les chercheurs espèrent pouvoir trouver des solutions pour soulager certains maux qui affectent notre humanité, notamment les douleurs rhumatismales, dorsalgies, etc.
Un pan du voile est levé
Comment les stimuli mécaniques changent ils en toucher et en pression? Jusque-là, mystère et boule de gomme. L’Institut Karolinska , une université médicale, sise à Stockholm, est en fait le Comité Nobel compétent. Il répond de la sélection des lauréats de l’un des cinq prix Nobel, soit le prix Nobel de physiologie ou de médecine Cette université, l’une des plus réputée du monde est aussi l’un des centres de recherche médicale les plus importants. Bref, ce Comité Nobel savait que les chercheurs avaient effectivement trouvé des capteurs mécaniques chez les bactéries, mais les mécanismes sous-jacents au toucher chez les vertébrés[1] restaient largement inconnus. Il s’agissait au fond d’apprendre à appréhender la complexité de notre univers humain réel.
David Julius et Ardem Patapoutian, tous deux des Américains, ont compris comment la chaleur ou le froid ou encore la force mécanique peuvent initier des impulsions nerveuses. Autrement dit, ils ont posé la question de savoir comment on passait d’un état physique objectif qui est notamment une température, un mouvement, une friction, etc., à une sensation globalement matérialisée par un influx nerveux. Et au bout d’années de recherches, ils ont trouvé. Ce sont des récepteurs à la surface des neurones sensoriels ayant la capacité de provoquer un influx nerveux transmissible à d’autres neurones par le truchement d’un mécanisme biochimique qu’ils ont appelé canal ionique. Ces récepteurs, on ne les trouve non seulement dans les neurones sensoriels de l’épiderme, mais dans quantités d’autres organes bien sûrs, tels qu’à l’intérieur des vaisseaux sanguins, dans la vessie ou dans les poumons, par exemple.
Le chaud et le froid
Le professeur Julius avait utilisé la capsaïcine[2] en vue d’identifier un nouveau capteur dans les terminaisons nerveuses de la peau réagissant à la chaleur. Ledit canal ionique appelé TRPV1 est activé par les sources de chaleur douloureuses et a donc complété la palette des capteurs de températures déjà connus. Si, comme moi, vous avez déjà voyagé en Asie et goûté des piments, c’est justement cette molécule irritante qu’est la capsaïcine qui est responsable du piquant des piments. Comme cette molécule n’est pas soluble dans l’eau, il ne sert à rien du tout de se rincer le palais à grands verres d’eau après avoir mangé un piment. Du lait sera plus efficace, car la capsaïcine est liposoluble (soluble dans les graisses). Pour le froid, ce duo de scientifiques américains a utilisé le menthol[3], pour identifier le TRPM8[4], un récepteur s’étant avéré être activé par le froid.
Et les répercussions de cette découverte?
On l’aura certainement compris en lisant entre les lignes. Cette découverte pourra avoir de grands effets pour soigner certaines douleurs et non des moindres. Pourtant les incidences pratiques de la recherche en cours dans ce domaine médical ne se révèlent pas encore. Il est quasi inévitable que bientôt 8 milliards d’individus humains génèrent une masse de problèmes. Aux siècles, voir aux millénaires antérieurs savions-nous mieux affronter la douleur? Non, évidemment.
En ce quart de 21e siècle, la médecine et surtout la chirurgie ont fait des sauts quantiques. Et pourtant l’origine de nombre de dorsalgies n’a pas encore livré son secret. Pas plus que la polyarthrite rhumatoïde qui est certainement l’un des rhumatismes inflammatoires chroniques les plus fréquents depuis des siècles. Cette pathologie douloureuse se caractérise par une inflammation (douleur, chaleur, gonflement, rougeur) des articulations, principalement aux extrémités de notre corps (mains et pieds), mais pas rien que. En règle générale, elle est plus fréquente chez les femmes et survient le plus souvent entre 40 et 50 ans. Et comme notre espérance de vie s’allonge de plus en plus, il y a évidemment de bonnes raisons pour craindre que les souffrances de ceux qui en sont atteints s’éternise. Pour l’instant, on traite cette pathologie avec des médicaments stéroïdes et antiinflammatoires qui, à leur tour et surtout à la longue, ont des effets nocifs sur la santé.
Ainsi, certains spécialistes pensent que la consommation excessive d’antiinflammatoires pourrait accélérer l’évolution de la maladie d’Alzheimer. A moins que grâce à cette découverte, récompensée par le Prix Nobel de 2021, permette là aussi de faire un bond en avant. Chaque innovation, chaque découverte et chaque transformation dans notre univers est ambivalents. La Covid 19 qui est une tragédie humaine nous apprendra-t-elle à vivre, à penser et à guérir autrement? Je ne connais malheureusement pas la réponse, mais il faut en garder l’espoir.
[1] L’embranchement des vertébrés (50 000 espèces environ) comprend 6 classes: agnathes, poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères (dont nous les humains).
[2] La capsaïcine est un composant actif du piment provoquant une sensation de brûlure
[3] Le menthol est obtenu soit par synthèse, soit par extraction à partir de l’huile essentielle de menthe poivrée ou d’autres huiles essentielles de menthe. Il existe plus de 20 variétés de menthe.
[4] Cf. https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2008/03/medsci2008242p163/medsci2008242p16