Par Nikola Petanjko et comte de Grandvaux

A nouveau, notre ami  Nikola Petanjko a fait fort. Lors d’un récent séjour professionnel en Inde, il s’est glissé toute une matinée dans la partie la plus mercantile de la grande métropole de Bengaluru (anciennement Bangalore) de l’État de Karnataka, au sud de l’Inde. Nikola y séjournait pour son job, car la ville est l’un des pôles sans doute des plus importants en matière de très haute technologie en Inde.

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Ça, c’est évidemment la version ultramoderne de cette capitale. Mais elle se distingue évidemment aussi pour ses parcs et sa vie nocturne. Nikola, lui, est plutôt un homme du matin. Comme cette grande ville signifie la « Ville des haricots bouillis », il se devait de faire d’abord une petite visite à son marché. Il a demandé au comte de Grandvaux, – également connaisseur de l’Inde, car y ayant séjourné pendant plus d’une année –, de traduire pour vous, cher ami lecteur, chère amie lectrice, en mots les sensations recueillies à travers sa caméra cachée.

Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.

Lorsqu’on arrive par bateau dans l’Etat du Karnataka à Mangaluru[1], on entre d’emblée dans une ville toute proche et bien verte qui nous attend au-delà des grilles du port.

Au contraire, lorsqu’on atterrit à Bangaluru, la première impression que l’on glane depuis le hublot, ce sont d’abord les presque infinies banlieues et bidonvilles encerclant l’aéroport international Kempegowda [2]. Comme Nikola est venu par les airs, il lui a fallu un moment pour admettre que ce marché n’était pas forcément une joyeuse image de la vie orientale. 

Petite visite au KR-Market[3]

L’exposition sans doute la plus crue de sa présente réalité pour un Occidental est qu’à Bangaluru aussi, on peut passer très rapidement de la richesse à la plus extrême pauvreté.  De la modernité, on passe également au mode d’existence primitive. Ce marché très animé   datant de 1928 est sans contexte le marché le plus grand et le plus dynamique de Bangalore.

Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.

Sur le chemin qui amène au marché, la crasse nauséabonde et repoussante est au rendez-vous. Toujours dans le même quartier, ce jeune homme qui s’y rend à pied fait partie de la génération dont l’âge médian est de 28 ans.  Les magasins protégés par de lourdes persiennes en acier ouvrent tardivement, car ils ferment généralement vers 21 heures.

Entrée dans un des côtés du marché. Les vaches sacrées[4] y déambulent en toute liberté.

Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.

Dehors, ce marchand vend ses épices et le soir venant, se retire dans son échoppe

Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.
Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.

Ce marché à ciel ouvert est l’un des principaux proposant des fruits et des légumes. Remarquez (à droite en haut de la photo) un des 30 millions de chiens errants en Inde. Ces électrons libres entrent souvent en conflit avec les humains et, plus particulièrement en Inde. Ils constituent un risque pour la santé publique en tant que vecteurs de maladies, telle la rage. D’après l’OMS, la rage  tuerait quelque 20 000 personnes par an en Inde, pour la plupart des enfants [5].

Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.
Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.
Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.
Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.

Dehors, ce sont essentiellement les femmes qui vendent leur production. Ce rapace tente de s’approprier un morceau de viande. Disparités bouillantes d’une mégalopole de 8,3 millions d’âmes composée de 52 % d’hommes et de 48 % de femmes. En Inde, le taux général d’alphabétisation ne dépasse pas 66 %. Il est donc révélateur tant des inégalités sociales que spatiales.

Bengaluru, photo de Nikola Petankjko.

Nikola Petanjko croyait pouvoir passer incognito avec sa caméra cachée. Eh bien non. Pas tout à fait. Regardez les deux hommes, l’un au premier plan et l’autre plus loin à gauche, au bonnet blanc. Il est évident que Nikola a été démasqué. Remarquez que ce n’est plus au KR-market, mais un autre non loin de là. Du coup, Mariama, probablement une musulmane y a fait une apparition lumineuse quasi magique, photographiquement parlant. Pourquoi supposons-nous qu’elle soit une musulmane ? Il lui manque le point rouge sur le front, mais pas seulement. [6] C’est plutôt à son apparition prude (remarquez la position de ses mains retenant son sari). Il y a quelque chose de discret, furtif dans son apparition. Bangalore abrite une fort nombreuse population musulmane des plus diverses. Tout comme en Inde en général, les musulmans n’échappent malheureusement pas toujours à la violence, surtout les jeunes lorsqu’ils sont « visiblement » musulmans. Les populations musulmanes ont assez peu bénéficié de l’extraordinaire boom économique de la championne de la très haute technologie. Cette jeune personne n’avait pourtant pas non plus la tache sombre en haut du front, marque révélant une musulmane pratiquante se prosternant jusqu’à son tapis de prière cinq fois par jour. Et pas sûr non plus que l’homme au bonnet blanc au deuxième plan ne lance un sombre regard qu’à Nikola. Ce dernier préfère nettement le sourire de l’autre, en face – à droite du visage de la supposée Mariama. Agrandissez la photo ! Sourire lumineux vous dis-je !

Nos lecteurs et lectrices peuvent se régaler en regardant l’œuvre de Nikola Petanjko sur www.keliza.com.


[1] Cette ville portuaire est sise à quelque 350 km à l’ouest de Bangaluru

[2] A 40 kilomètres du centre de Bangalore.

[3] Egalement connu sous le nom de marché de la ville  ou  marché de  la ville  de Krishnarajendra

[4] https://www.la-croix.com/Religion/Bouddhisme/Pourquoi-vache-elle-sacree-Inde-2017-04-11-1200838755

[5] https://www.nationalgeographic.fr/animaux/2020/01/meme-sans-dressage-les-chiens-errants-comprennent-naturellement-lhomme

[6] Encore que ce ne soit pas absolument un argument patent.