Je laisse bien sûr à notre éditeur, Alain Barbier, Aladin, sa marotte des félidés- petits ou grands – et son cher Oxo dont vous aurez fait la connaissance dans son article innovant la toute nouvelle rubrique Animaux & Nature. Moi, ce sont les animaux plutôt exotiques qui me charment. Et notez bien que je ne suis ni zoologue, ni véto, ni encore éthologue. Je vous raconterai donc en bref mon aventure avec Toco.

Un oiseau pas comme les autres

Les peuples indigènes du Brésil appelaient cet oiseau pas comme les autres du nom de tuka signifiant nez de corne. Pas étonnant donc que le toucan Toco soit l’un des oiseaux des plus faciles à reconnaître au monde. Lorsque j’habitais au Costa Rica, j’eus le plaisir d’en avoir un qui volait librement dans la maison. Le plus amusant, c’est que son bec plutôt orangé était même plus grand que son corps. La beauté resplendissante de certains volatiles en a fait d’ailleurs des oiseaux emblématiques de leur nation. Ainsi, le Honduras a choisi l’ara rouge, tandis que le Bélize a pris le toucan. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître les divers motifs du choix de toutes ces nations ayant pris comme emblème le plus souvent des animaux des plus hétéroclites. Et puis à l’époque, j’étais peut-être dépourvu d’imagination, car j’appelais TOCO, l’oiseau qui, paraît-il, avait élu depuis longtemps domicile dans cette maison. Et s’était sans doute aussi attaché aux divers locataires au fil des saisons.

Je ne vais pas vous ennuyer avec des noms scientifiques. Disons simplement qu’il y a trois catégories: ceux de petite taille, ceux de taille moyenne dont les couleurs dominantes sont le plus souvent vert, jaune et rouge et les toucans de grande taille.

Toco, qui cohabitait avec nous, était de grande taille. Son plumage était marqué de stries ébènes. Son bec était coloré de rouge, orange et jaune.

Toco le toucan, un bien piètre aviateur.

Un toucan, ça mange quoi?

Évidemment, en captivité, le toucan mangera autre chose qu’en liberté ou en semi-liberté comme vivait Toco. Comme je ne suis guère partisan de les mettre en captivité, aimant trop la liberté moi-même, je ne saurais pas vous conseiller. Demandez à votre véto. Lui saura. Le mien en tout cas mangeait pratiquement de tout et surtout des fruits. Il mangeait aussi les lézards et les très petits serpents qui rôdaient tout autour de la maison. Tous les jours, nous devions aussi vider les scorpions de nos chaussures et il se faisait un bonheur de les attraper… quand il pouvait. Il buvait de l’eau dans une écuelle, comme si c’était un animal de compagnie.

Aussi voleur qu’acrobate

A croire que Toco était peu farouche avec les autres gens, car il rentrait sans le moindre complexe dans les villas alentours et dérobait tous les aliments qu’il y trouvait. Au début, je croyais que mon toucan ne savait que sauter. Car il sautait aussi bien d’une branche à l’autre qu’entre deux arbres. Mais ma compagne d’alors le vit un jour voler quelques centaines de mètres pour de bon. On s’est alors dit qu’il pourrait bien alors voler sur de plus longues distances.

Un si charmant compagnon

Toco lançait en l’air un morceau de fruit que je lui donnais et le rattrapais pour l’avaler. Voulait-il faire le malin, comme le prétendaient des amis Brésiliens qui nous rendirent visite au Costa Rica? Je n’en sais trop rien. Toujours est-il qu’il pouvait s’amuser à ce petit jeu-là des heures durant. Nos visiteurs nous demandaient souvent si Toco savait parler. Je vous l’ai dit, je ne suis pas non plus éthologue, mais je ne pense pas que l’on puisse dire d’un oiseau qu’il parle. Il imite simplement la parole. J’avais un mainate lorsque j’habitais au Kérala (sud de l’Inde) et jamais, je n’ai réussi à lui faire émettre un son humain. En revanche, tout comme Toco, il pouvait siffler comme les perroquets. Était-il timide ? En tout cas, Toco ne l’était point. Il appréciait grandement les caresses de ma compagne qui lui parlait en espagnol d’une voix flutée et douce. Elle avait créé un lien tout à fait particulier avec lui, tant et si bien qu’il aurait très bien pu parler s’il en avait été capable. Comme ce n’était ni un perroquet d’Amazone, ni un perroquet gris d’Afrique et encore moins une perruche, il n’en était tout simplement pas capable. Ma compagne trouvait néanmoins que c’était un formidable compagnon animal.

Un lever de soleil au pays des toucans.

Et puis un jour…

Nous avions appris par Maëlle, une de nos amies de Guyane française, qu’il y avait là-bas aussi évidemment des toucans. Elle nous apprit qu’en période de reproduction, les mâles accomplissaient des parades nuptiales. «En quoi consistent ces parades nuptiales?», voulions-nous savoir. «Eh bien», nous affirma Maëlle, «un de ces jours, Toco pourrait bien, comme le chanteur Christophe, à l’époque crier Et j’ai crié, crié Aline… aux femelles toucan». Et tout ça bien avant de lui offrir de la nourriture en guise de cadeau et de lui proposer un toilettage de plumes. C’est ce qui arriva quelques mois plus tard. Toco sortit et ne revint plus. Était-il aller rejoindre sa belle ou fut-il victime d’un gros serpent ou plus probablement encore d’un singe terriblement dangereux au Costa Rica lorsqu’ils sont en horde. Il y avait deux autres prédateurs possibles, à savoir le grand aigle nommé spizaète orné, son ennemi de toujours ou des hommes s’adonnant au piégeage pour le vendre dans des magasins d’animaux… Il paraît que les gringos adorent les ramener chez eux aux États-Unis d’Amérique.

Toco ayant disparu, nous le revîmes plus jamais, puisque notre long séjour au Costa Rica touchait à sa fin. Ce fut sans doute dans notre histoire la première et la dernière fois qu’il nous fut possible d’établir une si chouette relation avec un volatile.