Depuis peu, des catégories entières de personnes choisissent de se retirer de la vie sociale et de ne plus sortir de chez eux: au Japon, on les appelle les Hikikomori et ils sont près de 600 000 personnes. En Italie, ce sont les « retirés », en Angleterre: les Neet… Les rangs de ces exilés volontaires ne font malheureusement que grossir. En parallèle de ce phénomène, le nombre de burn-out, phobies scolaires ou sociales explosent… accompagnés parfois d’addictions aux séries TV et jeux vidéo! Causes différentes, mais résultat identique: Le repli sur soi-même! Choix pour certains, isolement subi pour d’autres – qui constatent un matin – qu’ils ne parviennent plus à sortir de chez eux pour aller travailler, aller à l’école ou même sortir de leur lit…

Quelles conséquences?

Le retrait volontaire dans un endroit refuge, à l’abri de toute interaction sociale, est un réflexe qui peut être salvateur et même très utile, pour se ressourcer, prendre du recul et intégrer des changements profonds.

Mais lorsque qu’il se prolonge, les conséquences peuvent être lourdes. Le besoin et le plaisir d’avoir des interactions avec d’autres êtres humains fait partie de nos motivations primaires. Le repli n’est donc pas souhaitable sur la durée, car il menace la nature même de l’être humain et, par ce fait, peut provoquer une perte de l’élan vital.

Quelles sont les raisons ?

Elles sont nombreuses: peur des autres, vecteurs potentiels de maladies, peur de soi-même qui pourrait contaminer d’autres personnes. Bien souvent, c’est la peur qui domine et nous enferme, surtout si l’on ressent une menace sur notre propre structure, de notre propre image. Ces peurs presque primaires existent depuis des millénaires, mais de nos jours, d’autres peurs viennent s’ajouter: peur de ne pas réussir, de ne pas être à la hauteur …

Alors le repli vient remplir une autre fonction: échapper à une réalité trop douloureuse ou décevante, échapper à la course sans merci vers le succès.

Pourquoi cette fragilisation ?

La liberté de penser et de s’exprimer dont nous jouissons aujourd’hui, au prix parfois de long et douloureux combats, est une chance indéniable! Mais le revers de la médaille est une explosion du nombre de choix qui s’offre à nous. Quel est le problème, me direz-vous? Tout devient source de réflexion et nous y consacrons une grande partie de notre énergie. Les possibilités sont infinies: changer de vie, changer de travail, avoir des enfants ou pas, choisir à quel moment, et même concernant la fin de nos jours. D’autres interrogations plus récentes concernant des concepts qui semblaient immuables sont venues s’y ajouter: naître dans un corps d’homme ou de femme ne signifie plus forcément être un homme ou une femme.

Tous ces acquis en termes de libertés représentent des réflexions supplémentaires qui s’ajoutent à celles du quotidien et augmentent la charge mentale. Les systèmes sociaux plus anciens, bien que critiquables, car très rigides, coupaient court à bien des choix et des réflexions. Que ce soit dans le domaine du travail: le choix professionnel se faisait bien souvent au sein de la même catégorie socio-professionnelle que celle des parents, ou au niveau familial: la norme était la société patriarcale avec des rôles séparés et bien définis pour les femmes et les hommes et pour l’éducation des enfants. Aujourd’hui la diversification des modèles parentaux s’éloigne de ces schémas. Dans le cas des familles monoparentales, par exemple, les tâches et responsabilités quotidiennes liés à la famille et parfois même financières reposent sur une seule personne et provoquent une charge mentale importante, d’autant plus lorsqu’il faut faire des choix.

Échapper à la pression en se retirant du jeu  

L’individualisation de la société et l’hypercompétitivité augmente la pression ressentie par les individus. Une compétition sans merci pour être les meilleurs et dans tous les domaines, exacerbée par les réseaux sociaux. Sans cesse nous sommes évalués: au travail par nos supérieurs hiérarchiques, par nos clients sur Google, sur les réseaux sociaux: nos photos, nos vacances, nos pensées même sont évaluées. Mais combien faut-il de « like » pour compenser la blessure causée par des commentaires peu élogieux?

« On ne s’est jamais autant préoccupé de ce que pensait de nous un inconnu à l’autre bout du monde… »

L’estime de soi est directement menacée! Alors certains se retirent pour trouver un espace où ils peuvent, à l’abri d’une certaine dictature du bonheur et de la perfection, s’autoriser à ressentir des sentiments qui sont socialement moins bien acceptés de nos jours: la tristesse, la colère… Comment ne pas être heureux et toujours de bonne humeur, alors qu’il existe tant de méthodes pour être heureux, les magazines fourmillent d’articles à ce sujet…Parfois ces utopiques recettes contribuent à créer un sentiment de honte ou de culpabilité chez les personnes qui n’arrivent pas à l’atteindre.

Dans une compétition il n’y a qu’un vainqueur… et donc un nombre incommensurable de perdants. Que faire de ces perdants? Certains décident de quitter cette course dont le rythme ne fait que s’accélérer, usés et épuisés par ces années d’efforts pour rester dans la course, certains ne décident pas! Un matin le burn-out vient jeter l’éponge à leur place. Ils se replient alors pour échapper à ces combats modernes qu’ils ne peuvent plus mener… Puis, parfois, s’y habituent et ne souhaitent plus sortir de cette caverne. L’extérieur leur fait peur ou encore pire, ne les fait plus rêver!

Ils préfèrent alors s’évader en jouant des heures à des jeux dans lesquels enfin ils sont des vainqueurs, invincibles et courageux! Ou en regardant des séries qui leur permettent de vivre une vie parfaite par procuration, bien en sécurité au fond de leur tanière. Dans ces cas-là, c’est le plaisir immédiat dénué d’effort qui domine et finit par nous faire perdre le goût pour l’attente pleine d’envie, la juste dose de frustration qui démultipliera ensuite la satisfaction. Ces courts instants de plaisir, tels une drogue, doivent sans cesse être renouvelés pour conserver leur effet, jusqu’à épuisement…

Comment sortir de ce repli et renforcer son estime de soi?

Pour commencer, il convient de prendre le temps de comprendre et identifier les causes profondes qui ont engendré le repli. Ainsi, vous faites déjà un 1er pas vers la guérison de votre blessure. Pour cela, soyez à l’écoute de vous-même: essayez d’identifier les limites qui ont été franchies, les besoins qui n’ont pas été pourvus. Vous pourrez ensuite réaliser à votre rythme, des petits changements pour bousculer vos nouvelles habitudes. Surtout, ne culpabilisez pas si vous avancez doucement. Chacun a un rythme différent. Il sera alors important de choisir des buts pertinents pour vous, sans être influencé(e) par ce qui est socialement désirable.

Se fixer des limites pour votre bien être et ne pas y déroger sous la pression est aussi une bonne manière de protéger son estime de soi.

Et puis, relativisez l’importance de l’opinion des autres, à plus forte raison qu’il s’agit d’inconnus!

NDLR : Sonia da Fonseca, notre psy attitrée, nous parlera bientôt de chrométophobie[4] Contributrice appréciée de nos lecteurs, retrouvez-la sur www.prendresoin-de-soi.com