En été de cette année 2022, nous vous avons invités à un moment de partage cosmogonique (voir https://decouvertemag.com/un-moment-de-partage-cosmogonique-bernard-garo/. Cet article était consacré à l’avenir des glaciers. L’artiste suisse bien connu, Bernard Garo, nous exposait l’une de ses convictions:  « […] Pour les glaciers, par exemple, ce n’est pas moi qui me lamente, c’est plutôt le glacier qui gémit.  Et c’est ça le drame. Là où il y a de la lumière, il y a forcément aussi de l’ombre. Mais tout se révèle justement aussi dans la lumière et c’est cela qui est extraordinaire! Je cherche à comprendre ce qui se passe de l’intérieur, au plus profond… » (voir https://decouvertemag.com/bernard-garo-peindre-et-photographier-est-un-voyage/). Il continue à s’y consacrer corps et âme et vous pourrez le voir à l’œuvre, au Muséum d’histoire naturelle de Genève[1]. Découvrez la troisième séquence de la résidence de Bernard Garo intitulée: La peau des glaciers, du 3 décembre 2022 au 29 janvier 2023. La rédaction.

La dégradation de l’œuvre en papier

Il était une fois une empreinte sur un papier d’une stèle en bois, façonnée (sculptée et gravée) par l’artiste Bernard Garo

L’empreinte sur un papier d’une stèle en bois dans un des déserts du monde
L’empreinte sur un papier d’une stèle en bois dans un des déserts du monde.

Ce fut le départ d’une démarche photographique. Les contours et les irrégularités de la matière, révélés par frottis sur le papier, transformaient la sculpture en empreinte des plus énigmatiques. Ce dessin-là évoquait le plan mystérieux d’une cité disparue. Bernard Garo fit un périple partant de nos contrées proches pour atteindre des villes chinoises à l’Oural. Il explora Madère et le Nord de l’Allemagne, puis l’Espagne et, bien sûr, son terrain de prédilection: les cimes des Alpes. Bref, notre artiste découvrit des paysages connus, mais aussi moultes régions parfaitement inconnues et mystérieuses. Ce vaste parcours géographique, lui révéla la beauté fragile de notre environnement. L’œuvre papier, exposée dans son état de dégradation au cœur des photographies, évoquait la temporalité et la puissance des éléments.

Puissance et vulnérabilité révélées à travers l’œil de l’artiste

Après sa stèle de papier consacrée à la vulnérabilité et à la dégradation à l’épreuve du temps, l’artiste Bernard Garo poursuit sa création en proposant maintenant une réflexion photographique relative aux glaciers et à leur fragilité. Cette installation de peintures et de photographies immortalise un moment éphémère à l’échelle du temps en quart du 21e siècle, où vraiment tout s’accélère.

Ces toiles sont étendues sur les glaciers pour les protéger de leur disparition. Fallait-il en arriver là ?
Ces toiles sont étendues sur les glaciers pour les protéger de leur disparition. Fallait-il en arriver là ?

Un glacier naît et « vit » de manière dépendante des éléments et des forces externes. Le climat y joue un rôle crucial. Un glacier « mue ». Il se déforme et il bouge littéralement sous l’effet de son propre poids avec la gravité. Un glacier est l’interface entre la croûte terrestre et l’atmosphère en haute altitude. C’est une véritable pellicule soumise à rude épreuve ces dernières décennies. Elle se réduit inéluctablement comme une peau de chagrin[2]. A l’instar d’une peau portant les stigmates du passage du temps, les glaciers sont des systèmes fragiles qui portent l’empreinte des activités humaines. Insuffisances de précipitations et particules fines se retrouvent sur les neiges, puis accélèrent la fonte des glaciers.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)[3] prévoit entre 2030 et 2052 une hausse des températures de 1,5 °C par rapport à niveau préindustriel. De fait, juste au moment où les catastrophes se multiplient. Le dérèglement climatique ne concerne du reste pas que la fonte des glaciers.  Le grand courant marin de l’Atlantique poursuit son déclin [4], les périodes de sécheresses se multiplient et causent des incendies, tout comme ailleurs des inondations. Il y a de plus en plus de cyclones.  Après la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, la Chine a annulé toute discussion climatique.  Et pourtant l’impact de toutes ces catastrophes naturelles est majeur pour notre survie. Dans le droit fil de cette réflexion environnementale, le travail photographique de cet immense artiste – immense au sens propre[5] comme au figuré – s’accompagne de la réalisation d’une gravure sur bois grand format, métaphore sculptée de la peau des glaciers.

Bernard Garo, dans son atelier de Nyon préparant la troisième séquence de sa résidence au Muséum d’histoire naturelle de Genève.
Et à la mise en œuvre au Muséum d’histoire naturelle de Genève.

A l’écran, le visiteur pourra voir cette gigantesque œuvre et retrouver l’empreinte sur un papier d’une stèle en bois mais cette fois dans un tout autre cadre géographique.

Une œuvre profondément vitale de Bernard Garo au Muséum de Genève.
Une œuvre profondément vitale!

Pour aller plus loin encore: https://www.bernardgaro.com/


[1] https://www.geneve.ch/fr/museum-histoire-naturelle

[2] Contrairement à ce que l’on croit souvent, le terme chagrin dans cette expression ne fait pas référence à la tristesse mais vient du turc « sagri » et désignait au XVIe siècle la croupe d’un âne. Ainsi, sa peau était utilisée pour confectionner le cuir des chaussures, des tambours ou la reliure de livres.

[3] https://www.ecologie.gouv.fr/comprendre-giec

[4] Cf. La Recherche no 567

[5] L’artiste Bernard Garo mesure 2 mètres