Vous vous imaginez bien que je ne pouvais pas manquer la Mostra de Venise. L’un des films les plus attendus fut The Last Duel (Le dernier duel) de Sir Ridley Scott. Il faut dire que Scott adore particulièrement les films d’époque. Matt Damon et Ben Affleck comme toujours, parfaites vedettes de cinéma, ont également été les scénaristes de ce très long métrage de 2 heures 20. J’avoue que ce film m’a chamboulée. D’où ma décision de le faire projeter dans nos salles de Cinérive et ce, dès le 13 octobre prochain.

3 sujets

Primo: Les critiques de cet excellent film prétendent qu’il est fondé sur des faits réels. D’accord pour ce qui traite du dernier duel judiciaire autorisé en France, mais pas forcément pour les autres points.

Secundo: L’accusation d’un viol commis sur la personne de Marguerite de Carrouges (interprété par la magnifique et jeune Jodie Comer) par un des nobles – Jacques Le Gris – (interprété par Adam Driver). Pour bien comprendre l’intrigue, il faut savoir que Jean de Carrouges est le vassal et le chambellan de Pierre, comte d’Alençon (interprété dans ce film par le fabuleux Ben Affleck). Le comte d’Alençon protège Jacques Le Gris qui est non seulement son fidèle écuyer, mais l’un des plus admirés de la Cour du roi de France Charles VI (interprété ici par Alex Lawther).

Tertio: Où se situe exactement la vérité?

C’est un combat entre deux nobles ayant pour but de fixer la véracité (religieusement parlant) de l’accusation pour viol. En revanche, ceux qui aiment les vérités historiques sur tous les points et avec le recul nécessaire des siècles, feront cependant bien de lire Au-delà des apparences: Jean Froissart et l’affaire de la dame de Carrouges[1]

Trois points de vue différents

Ce long métrage se présente en 3 chapitres distincts. L’époux – Jean de Carrouges –, Jacques Le Gris (l’écuyer du comte) et Marguerite de Carrouges (l’épouse) étalent avec conviction leur point de vue. Ce film peut paraître redondant avec l’histoire qui recommence avec les points de vue de ces 3 protagonistes. Pourtant, je ne me suis pas ennuyée un seul instant. En fait, si l’on veut bien ignorer les vérités historiques absolues, car vous verriez en approfondissant les sources que je vous ai indiquées ci-dessus que Marguerite de Carrouges s’est bien faite violée. Mais par un autre criminel qui a avoué son crime après la mort de Jacques Le Gris. Mais ça, dans le film, personne n’en parle, ce qui n’enlève évidemment pas le sérieux du sujet principal: un viol est un crime! Ce qui me paraît intéressant dans la réalisation de cette triste histoire médiévale, c’est de vous dire qu’une touche féminine est intervenue. En effet, une réalisatrice et scénariste aujourd’hui sexagénéraire Nicole Holofcener[2] a co-écrit le film avec Matt Damon et Ben Affleck. Au fond, je pense que cette patte féminine était bien inspirée.

Regardez : https://www.youtube.com/watch?v=pzk42o_7y5c

Mon propre point de vue sur ce film

Comme chroniqueuse du 7e art chez Découverte magazine, à mon goût et surtout comme jeune femme, ce drame historique tourné en Dordogne peut rester frustrant. On montre à quel point les femmes étaient déconsidérées sur ce plan au Moyen-âge. Les temps ont-ils changé depuis? Pas vraiment ! Evidemment, en 2021, Ridley Scott et tout Hollywood ne pouvaient pas se référer aux victimes d’Harvey Weinstein[3] Pourtant, les retombées internationales de l’affaire Weinstein, comme on l’appelle, ont eu un poids immense tant en Europe qu’en Amérique latine et en Asie. Elles entraînent encore et toujours et à juste titre de nombreuses manifestations ainsi que d’innombrables mobilisations sur les réseaux sociaux de toutes sortes. Bref, l’affaire Weinstein est certainement une nouvelle facette du dernier duel, car elle a généré une série d’accusations envers de nombreuses personnalités publiques des médias, de la politique et du spectacle. Que le magnat déchu d’Hollywood ayant été accusé par cinq femmes de viols ait plaidé ce lundi-ci, 20 septembre 2021, une nouvelle fois non coupable devant l’un des tribunaux de la ville, ne changera pas le débat sur les violences faites aux femmes et leur occultation. Dans ce sens, pour moi, le dernier duel sera celui de la femme… une histoire portée certes au Moyen-âge sur le devant de la scène, mais qui est malheureusement toujours d’actualité de nos jours. Et c’est pour cela aussi qu’il vaut la peine d’être vu par les personnes des deux sexes.  


[1] https://journals.openedition.org/crm/13079

[2] Elle a aussi joué un rôle secondaire dans un film en 1993 (Mi vida loca/ ma folle vie)

[3] La liste des victimes d’Harvey Weinstein: 93 femmes, 14 viols », Le Huffington Post,‎ 31 octobre 2017