Par Nikola Panatojovic, médecin-dentiste
Au fil de ces vingt dernières années, l’implantologie dentaire a beaucoup évolué. Elle est même devenue une alternative incontournable. Une quantité de travaux très sérieux ont été réalisés. Ces études publiées dans le domaine de l’art dentaire, la recherche et l’expérience clinique ont permis d’aboutir à des taux de succès exemplaires1.
Dans mon dernier article, je vous ai parlé de l’importance de l’évaluation du médecin dentiste quant à son patient. Un bon médecin dentiste doit aussi évaluer les meilleures données, les options possibles pour son patient et ses préférences (EBP).
Qu’est-ce que l’EBP?
L’EBP est l’acronyme anglais pour Evidence-Based Practice. C’est une méthode ayant pour but de réduire l’incertitude lors d’une décision clinique. Elle fournit une aide au choix thérapeutique en se fondant sur les meilleures « preuves » issues de la recherche scientifique et l’expérience clinique, tout en tenant compte des préférences du patient2. Là encore, cette démarche que tous les professionnels des soins de santé devraient pratiquer a beaucoup évolué. L’Oxford Centre for Evidence-Based Medicine 20113 a complété qu’une « bonne preuve » pour prendre une décision clinique doit répondre à plusieurs critères, à savoir:
- Elle doit être cliniquement efficace. Les bénéfices d’un traitement doivent l’emporter sur les effets indésirables;
- le traitement doit pouvoir être appliqué au patient;
- l’intervention choisie doit être la meilleure option disponible.
Inutile de préciser que le médecin-dentiste doit aussi examiner la situation globale du patient.
Qu’est-ce que l’implantologie?
L’implantologie consiste à remplacer une ou plusieurs dent(s) manquante(s) par des implants (en titane), parfaitement compatibles avec les tissus vivants. L’implantologie dentaire occupe donc une place de choix dans l’approche thérapeutique de l’édentement. D’une manière générale, un implant vise toujours à améliorer l’efficacité masticatoire. Un implant est un petit goujon similaire à une visse. Il reproduit le rôle d’une racine dentaire. C’est donc une sorte de «fausse racine». Les implants servent à remplacer des dents unitaires. Ou à réaliser un pont en association avec d’autres implants. Ou encore à stabiliser des prothèses qui tiennent peu.
Dans une prothèse amovible, les implants peuvent donc réduire l’inconfort et l’instabilité. Alors que nos aînés qui vont très rarement sur Internet ont des connaissances médiocres au sujet des implants4, les plus jeunes en ont entendu parler, mais pas plus que cela. D’où l’intérêt de ce dossier publié par Découverte Magazine.
La vitrine de nos émotions
Il convient tout d’abord d’admettre que l’absence d’une ou de plusieurs dents induit une réduction de la capacité masticatoire, mais pas seulement. La perte d’une dent perturbe la dynamique buccale. Les dents restantes subissent davantage de charges. En plus des troubles phonétiques possibles, il est clair qu’un édentement nuit beaucoup à l’apparence esthétique de la personne. Un sourire ne laisse jamais indifférent… et le sourire ne coûte rien, à condition toutefois d’avoir une belle dentition!
Il vous manque une ou plusieurs dent(s)? L’implant permet de remplacer celle(s)-ci, sans compromettre l’intégrité de dents adjacentes en bon état. S’il manque plusieurs dents, l’implantologie se substitue très efficacement au port d’une prothèse amovible.
A savoir: une prothèse amovible est beaucoup:
– moins confortable
– moins efficace et
– moins esthétique et ce en raison des crochets visibles sur les dents.
Conclusion
Si vous avez une prothèse instable, la mise en place d’implants de stabilisation rend celle-ci nettement plus confortable:
– pour parler
– manger
– surtout sourire!
Puis-je bénéficier de l’implantologie?
Les conditions générales requises pour bénéficier de cette technique sont:
– une quantité d’os suffisante
– des gencives saines
– une bonne santé.
L’évaluation plus spécifique requiert un examen radiologique et diverses analyses d’espace. Ces critères sont d’ailleurs la clé de la réussite de ce traitement.
Si certaines conditions manquent, elles seront remplies avant ou durant la mise en place de l’implant. Il peut s’agir de traitement de gencives en mauvaise santé ou encore d’augmentation d’un volume osseux insuffisant par une greffe. Nous proposons alors un traitement dentaire préalable approprié.
Une fois le traitement implantaire effectué, le succès à long terme dépendra à la fois d’une hygiène buccale irréprochable et d’un suivi régulier au cabinet. Chez Panadent, nous utilisons des produits biologiques dérivés du sang et d’origine synthétique dans la régénération de l’os et de la gencive, plutôt que des produits d’origine animale.
Comment les implants sont-ils insérés dans ma mâchoire?
Le traitement s’effectue sous anesthésie locale., Il est pratiquement indolore. Un petit gonflement peut, tout au plus, se produire le jour suivant, associé à un hématome5 et quelques sensations d’inconfort. Elles seront alors soulagées par des antalgiques ou des anti-inflammatoires. Le dentiste incise la gencive. Puis, l’implant est positionné dans l’os de la mâchoire. Un forage de l’os est ensuite effectué à faible vitesse et sous irrigation, afin de créer un logement dans lequel la visse est insérée. Enfin, la gencive est suturée et l’implant commence son intégration à l’os.
Quand et comment vais-je bénéficier de ma nouvelle dent?
Par rapport à une réhabilitation dentaire au moyen d’un bridge ou d’une prothèse, l’implantologie nécessite un temps plus long, parce que tout dépend du délai d’intégration des implants dans l’os. Ainsi, deux mois (six en cas de greffe) après la chirurgie, l’implant est découvert à travers la gencive. Une prise d’empreinte (classique ou par caméra numérique) est envoyée au laboratoire de technique dentaire pour la fabrication de la couronne. Après validation d’un essai (si nécessaire), celle-ci est vissée ou scellée sur l’implant. Elle rétablit la forme et la fonction de la dent manquante et ce de façon durable.
Les fabricants estiment la durée de vie des implants dentaires entre 10 et 15 ans. En réalité, celle-ci est bien souvent supérieure. Le taux de succès des implants est donc assez élevé. Moyennant un suivi régulier, les implants durent en principe toute une vie.
Est-ce douloureux?
Hélas, oui! Je puis vous affirmer que la pose d’un implant dentaire peut être douloureuse. Il est tout à fait normal de ressentir des douleurs pendant 2 à 3 jours après l’intervention. Elles sont tout simplement dues au processus de guérison. Cela dit, l’intervention est quasiment toujours couverte par des antibiotiques antalgiques et des anti-inflammatoires. Utilisez-les toutefois avec rigueur sous peine de développer des résistances. Respectez donc absolument la durée et la dose prescrites. Si les douleurs ne diminuent pas, vont en augmentant, voire réapparaissent après quelques temps, il est possible qu’un nettoyage du site soit nécessaire. Contactez-nous.
Il est fréquent que la pose d’implants dentaires provoque des effets secondaires. Dans l’immense majorité des cas, les effets secondaires sont cependant sans gravité:
– vos gencives saines seront enflées
– vous aurez des saignements en bouche
– vous aurez des douleurs.
Les effets secondaires peuvent toutefois s’alourdir quelque peu en cas de reconstruction osseuse ou gingivale associée. Ils peuvent durer jusqu’à environ une semaine. Il est très rare, en revanche, que ces effets indésirables perdurent longtemps après cette intervention chirurgicale. À partir de 4 à 5 jours, ceux-ci devraient aller en diminuant.
Mes conseils à la suite de la pose d’un implant
Tout ce que je vous conseille vise à stabiliser le saignement et le caillot formé. Songez que cette étape est indispensable à la cicatrisation. Il est possible que le site s’infecte après ce type d’intervention. Pour éviter de potentielles complications:
- Ne consommez pas de nourriture ou de boisson chaude durant les premières 24 heures après l’intervention. Optez pour des préparations froides à tièdes.
- Évitez les aliments acides, tels que les tomates, le vinaigre, le citron, etc. pendant 3 à 4 jours. Essayez de manger des aliments broyés ou ne nécessitant pas trop de force masticatoire.
- Ne vous rincez pas la bouche le jour de l’intervention. Si vous avez un mauvais goût dans la bouche, buvez de l’eau ou laissez-la s’écouler dans l’évier sans mettre de pression.
- Il est fortement déconseillé de fumer les premiers jours après l’intervention. Le tabagisme augmente le risque d’échec d’un implant, même longtemps après sa pose. Une baisse substantielle de consommation de tabac diminue le risque d’échec sur le long terme. Si vous ne pouviez pas vous passer de tabac pour le moment, fumez désormais beaucoup moins. Ne serait-ce pas là une excellente occasion pour arrêter de fumer?
- Évitez tout effort physique pendant 3 ou 4 jours.
- Si vous observez un nouveau saignement à domicile, mordez sur une compresse ou un morceau de tissu propre pendant 30 minutes. En cas de persistance du saignement rappelez notre centre médico-dentaire.
- Vous pourrez commencer les rinçages avec le bain de bouche (s’il vous a été prescrit) dès le lendemain, mais surtout pas avant. Rincez-vous la bouche sans appliquer trop de pression sur le site opéré.
- Appliquez le gel « Plackout » (si l’on vous l’a donné) 3-4 fois par jour sur la zone à l’aide d’un coton-tige ou avec le doigt (il doit être absolument propre) durant une semaine.
- Conservez la poche de glace (si elle vous a été remise) sur la zone opérée pendant les 3 premières heures en ayant soin de la réfrigérer régulièrement. Au-delà de ce laps de temps, il n’est plus nécessaire de l’appliquer.
- Maintenez l’hygiène (brossage) dans la zone. Le nettoyage doit être performant, mais effectué avec délicatesse. Prenez votre temps!
Comment se comportera idéalement votre implant?
Vous oublierez complètement que vous avez un implant. Cela devrait être comme si vous aviez une belle dent naturelle. Du reste, visuellement, la dent qui manquait et qui a été remplacée par votre implant ressemble à une dent naturelle.
- Vous n’aurez pas mal ni en vous brossant les dents ni en mastiquant
- Votre implant ne bougera pas
- Il n’y aura pas non plus d’inflammation au niveau de la gencive péri-implantaire
Échecs implantaires
Dans nos cabinets dentaires, nous ne parlons pas de rejet lorsqu’un implant ne tient pas dans la mâchoire d’un patient, mais d’échec. Pourquoi? Tout simplement, parce qu’il ne s’agit pas d’une réaction immunologique que la science médicale observe en cas de greffes d’organes. Même lorsqu’on a réalisé un travail parfait, il peut arriver que l’on rencontre des problèmes. Cela peut avoir plusieurs causes. Soit mécaniques, soit infectieuses (voir ci-dessous). On peut aussi rencontrer des raisons traumatiques ou idiopathiques (dont on ne connaît pas la cause). Les échecs sont certes assez rares, mais des complications implantaires sont toujours possibles.
- L’échec implantaire est surtout caractérisé par une mastication difficile, voire impossible avec l’implant, le plus grave étant évidemment dans les cas assez avancé l’expulsion spontanée de l’implant.
- Lors de la mastication ou de votre brossage, vous pourriez saigner ou il pourrait se produire des écoulements purulents.
- La gencive disparaît et seule la muqueuse persiste. Vous auriez des douleurs intermittentes
- Il pourrait se produire une perte osseuse assez étendue. Une résorption osseuse pourrait débuter tout en haut de l’implant, puis descendre progressivement le long de l’implant. Les lésions circonférentielles évoquent des cratères.
- Il peut aussi arriver que la gencive et l’os ont tellement reculé que l’implant n’est plus totalement enfoui et, en bouche, il devient visible. Ce qui n’est évidemment pas le but d’un implant!
Causes infectieuses
- Il peut s’agir d’une infection osseuse résiduelle due à la dent extraite avant la pose de l’implant ou d’une infection sur une dent voisine
- A propos d’infection, le patient en ayant un diabète mal compensé (par exemple, un traitement insuffisant ou mal suivi) peut présenter des prédispositions aux infections.
- Le patient peut présenter une parodontie insuffisamment traitée
- Il peut aussi s’agir d’une mauvaise hygiène de la bouche.
Causes mécaniques
- L’implant est trop court6, a un diamètre trop faible; il manque de hauteur ou encore l’os n’est pas assez épais.
- L’implant est de fort mauvaise qualité.
- La densité osseuse du patient est mauvaise.
- La mise en fonction de l’implant a été trop rapide.
- L’occlusion présente des erreurs.
Causes traumatiques
- Il s’est produit un échauffement de l’os lors de la pose.
- Il s’est produit une lésion d’un nerf nécessitant la dépose immédiate de l’implant.
Y a-t-il des risques ?
Oui, il en existe, comme dans toutes les interventions chirurgicales d’ailleurs. Les voici par ordre alphabétique: anatomiques, biologiques, mécaniques, opératoires. Pour les risques anatomiques, par exemple, la proximité des fosses nasales et des sinus maxillaires peut notamment limiter la mise en place d’implants. L’absence d’ostéointégration7, fractures d’implants ou de supra structures peuvent constituer des risques biologiques et mécaniques.
Les infections, hémorragies et hypoesthésies8 sont les risques opératoires essentiels.
Pour en savoir plus, vous pourrez consulter les thèses que voici:
Université Toulouse III – Paul Sabatier Faculté de chirurgie dentaire année : 2016 thèse : 2016-tou3-3006 these pour le diplome d’etat de docteur en chirurgie dentaire présentée et soutenue publiquement par thibaut descroix le 4 janvier 2016 http://thesesante.ups-tlse.fr/1176/1/2016TOU33006.pdf
Université Bordeaux I Ecole doctorale des Sciences Physiques et de l’Ingénieur Par Gonzague FAUDEMER pour obtenir le grade de docteur; spécialité « Mécanique et Ingénierie » CONTRIBUTION DE L’ANALYSE MECANIQUE A L’ETUDE DES IMPLANTS ET DES BIOMATERIAUX DENTAIRES file:///F:/Articles%20de%20juin%202021/Nouveau%20dossier/niko/FAUDEMER_GONZAGUE_2013.pdf
1Lang, Berglundh et al. 2004 ; Schou, Berglundh et al. 2004
2Sackett et al., 1996
3https://www.cebm.ox.ac.uk/resources/levels-of-evidence/ocebm-levels-of-evidence
4https://doc.rero.ch/record/9625/files/these.pdf Thèse n°661 Genève, 2008, présentée à la Faculté de médecine de l’Université de Genève par Kamel Salem pour obtenir le grade de docteur en médecine dentaire, thèse préparée sous la direction de Mme Frauke Müller, professeure de médecine dentaire.
5Un hématome est une collection de sang (plasma et caillots) dans un tissu faisant suite à une hémorragie.
6Toutefois, avec les progrès des traitements de surface implantaire et des techniques de greffes osseuses ou de comblement de sinus, il devient possible d’utiliser des implants de plus en plus courts avec des volumes osseux limités (Nedir, Bischof et al. 2004). Un volume osseux insuffisant augmente les risques de fractures osseuses notamment à la mandibule.
7C’est la connexion structurelle et fonctionnelle directe entre l’os vivant et la surface d’un implant artificiel.
8C’est une diminution de la sensibilité, due en général à une atteinte d’un ou plusieurs nerfs.