La pêche industrielle montre son vrai visage en pillant l’océan à grande échelle. Regardez

Nous sommes très loin de l’idylle que nous présente Josiane Meyer sur les dauphins (https://decouvertemag.com/communion-avec-les-dauphins/ ), puisque ces derniers meurent pour rien après le passage d’un chalutier géant. J’avoue aussi que pour rédiger mon article d’investigation, je me suis aussi inspiré d’une riche documentation disponible [1]. J’ai médité sur l’ouvrage du professeur Alexandre Meinesz,  intitulé Protéger la biodiversité marine[2] et étudié nombre de publications internationales, dont celles de la Fondation Albert II de Monaco.

Aristote déjà savait …

… que la capture des thons était une excellente illustration de l’évolution de la pêche. Leur migration aussi était connue le monde antique grec dont faisait partie Aristote (384 à 322 avant J.C) qui savait que les thons longeaient les côtes de Grèce, de l’Italie, de la France et de l’Espagne actuelles. En revanche, les Anciens n’auraient jamais cru la diversification des techniques de pêches professionnelle possible, ni n’auraient pu s’imaginer qu’un jour l’essor de la pêche devienne un fléau pour l’humanité entière.

Les conséquences de la surpêche dans le monde  

Alexandre Meinesz nous apprend que pour estimer l’ampleur quantitative de l’effort de pêche, son évolution et ses conséquences, il est nécessaire de tenir compte d’abord de l’étendue spatiale croissante de la pêche.  L’archipel des Açores ne fut découvert qu’en 1427, l’Amérique en 1492 et ce n’est qu’en 1606 que des négociants de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales débarquent sur le sol australien. C’est dire si la surpêche ne s’est manifestée que plus tard dans ces zones-là. Mais notre auteur de Protéger la biodiversité marine nous explique que la modernisation des techniques de pêche a tout changé au passage du 20e siècle, car la motorisation des bateaux de pêche a bouleversé les pratiques ancestrales. Il écrit en page 49 de son ouvrage que la rentabilité de la pêche professionnelle et les subventions pernicieuses y sont aussi pour beaucoup. Il y aussi la certification. Ainsi, le MSC vient de certifier 800’000 tonnes de thon pêchés par des bateaux industriels. C’est 10 fois plus qu’avant! 

La pêche durable est victime de la pêche pélagique hauturière et océanique

La pêche durable est victime de la pêche pélagique hauturière et océanique

Des navires-usines qui conditionnent à bord les ressources hauturières bénéficient de sondeurs acoustiques précis leur permettant de voir les bancs de poissons. Jusqu’à présent, ladite certification était réservée aux petits bateaux pêchant à la canne.

 Ces derniers sont rattachés à une communauté de pêcheurs, pêchant localement, démocratiquement et toujours selon des méthodes les plus écologiques possibles. Les bateaux récemment certifiés non seulement appartiennent aux multinationales de la pêche au thon, dont le chiffre d’affaires atteint des milliards de dollars, mais pêchent également selon de mauvaises méthodes. Les mauvaises méthodes sont les palangres (lignes se déroulant sur plusieurs kilomètres et équipées de milliers – vous avez bien lu – de milliers d’hameçons – ! Et ces embarcations-là pillent l’océan à très, très grande échelle.  

La communauté des petits pêcheurs à la canne se comporte de manière respectueuse pour l’océan et ses ressources halieutiques.

pêche intensive

Comment ont-ils pu être certifiés?

Telle est en effet la question que se posent une alliance d’ONG [3], experts et entreprises pionnières comme Fish4Ever. Ces pêcheries industrielles pêchant de manière irresponsable reçoivent pourtant énormément de subventions. Elles sont responsables d’une prise accessoire considérable et sont connues pour couper les ailerons des requins – une pratique illégale presque dans le monde entier.

Les pêcheries de thon ne sont pas les seules à se retrouver dans la tourmente: les pêcheries de lieu noir, de poisson-montre, d’espadon et bien d’autre sont montrées du doigt, ainsi que les mauvaises méthodes, comme je les ai mentionnées ci-dessus. Le  chalutage de fond et le dragage sont considérés par la plupart des experts comme des méthodes non durables. WWF, fondateur du MSC, un ex-ministre anglais de la pêche et nombres de bonne pêcheries certifiées ont joint leur force en faveur d’une réforme globale.

Femmes travaillant dans une conserverie.

Quelle différence entre la conservation sur un chalutier-usine et la pêcherie Fish4Ever, aux Açores (Portugal).

Charles Redfern, fondateur de Fish4Ever, la seule marque bio de conserves de poisson à s’engager activement pour une pêche durable m’a confié :

« D’après nos recherches, 90-95% du poisson certifié MSC a été pêché par des bateaux industriels. Dans la pêche au thon, cela pourrait détruire la pêche à la canne.

Charles Redfern, le fondateur de Fish4Ever
Charles Redfern, le fondateur de Fish4Ever

La pêche à la canne

Pêcheurs à la ligne

En Europe, le nombre de pêcheries artisanales a diminué de 200’000 à 80’000 au courant des dix dernières années. En laissant les gros bateaux s’approprier des mots « pêche durable », on les retire aux petits – tel un poignard en plein cœur!

Un nouveau label pour rassurer le consommateur?

Pêcheurs à la ligne

Charles Redfern me le dit confiant: « Tous les gros bateaux ne sont pas foncièrement mauvais. Mais il faut bien reconnaître que d’une manière générale, les petits bateaux pêchent bien plus écologiquement. Ils ont un impact social beaucoup plus positif, en soutenant les communautés côtières qui restent fragiles ».

Le problème survient lorsque des grandes surfaces  commerciales tweetent que leur poisson est à 70% certifié MSC et qu’une autre chaîne de magasins low-cost fait une pub télévisée pour sa propre marque de poissons en tant que produit issu de la pêche durable en utilisant précisément le logo MSC. Le consommateur risque alors encore une fois d’être dupé par des intérêts purement commerciaux.

Que faire?

Une alternative existe, mais elle ne bénéficie pas d’un soutien substantiel pour l’instant.  Nous devons soutenir et entretenir les pêcheries artisanales et accepter seulement le meilleur de la pêche industrielle. Les ressources et les subventions – qui se trouvent actuellement en grande partie entre les mains des industriels –, doivent être transférées à la pêche sur petite échelle. Fish4Ever, avec des collègues du mouvement Slow Food, ne cautionnent pas le label bleu MSC m’a-t-on appris. Ils cherchent alors à développer un meilleur logo pour rétablir un équilibre. Croisons les doigts pour que cela se fasse rapidement pour le bien de tous et de notre Grand Bleu…


[1] https://newsroom.univ-cotedazur.fr/mediterranee-mer-vivante-20-eme-edition

[2] Paru chez Odile Jacob, en août 2021 ( ISBN 978-2-4150-0010-3), dont je vous recommande très vivement la lecture.

[3] Alliance composée de Make Stewardship Counts and On The Hook – Pour plus d’information sur les fausses promesses de la certification cf: https://changingmarkets.org/media/publications-landing/