Ils sont parmi nous. J’en ai désormais la certitude. Longtemps j’ai douté de leur existence en prenant leurs actions pour des égarements, des petits incidents d’humeur, mais jamais je n’aurais imaginé qu’ils puissent être aussi nombreux et déterminés. Au vu de leur développement exponentiel, je me demande même s’ils ne se reproduisent pas entre eux. Je les sens autour de moi et je sais pertinemment qu’ils vont frapper, là où on ne les attend pas.
Qui sont-ils?
Ils hantent les réseaux sociaux, poussés par la quête effrénée d’un post sur lequel ils pourront déverser un peu de haine, avec un soupçon d’insulte et un généreux nappage de bêtise. Leur mission? Pourrir une publication au demeurant anodine, mais qui va déchaîner un déferlement d’arguments infondés et sans rapport avec le sujet. Le point culminant: l’otogra… euh non, l’autorgr… rrroooh, l’orthographe! Et puis, sans oublier quelques vieux relents d’une culture générale acquise chaque soir entre 18 et 19h sur NRJ12.
Une approche pragmatique
Une étude très sérieuse a été menée par le département neuro-psychiatrique des éditions Scriptis. Du fond de leur laboratoire sur les rives du lac de Neuchâtel, les chercheurs sont parvenus à isoler cinq typologies selon la méthode de classification dite de coïncidence systémique indéterminée que nous vous présentons ici:
1. Le hater pathologique
Autant commencer par le haut du panier. Le hater, comme son nom l’indique, déteste, abhorre, hait, exècre tout: les huîtres, la plage, la montagne, les communistes, l’opéra, le chili con carne, les bouddhistes, les épiciers, les coiffeuses, le tofu et même les photos de petit chaton mignon comme celui-ci. Pessimiste à l’extrême, il transcende son mal de vivre en critiques acerbes qui, après quelques échanges avec un ou plusieurs (ils sont nombreux, je vous l’ai dit) de ses congénères, virent au pugilat 2.0.
2. L’expert omniscient
Il a lu tout Wikipedia. Il sait tout sur tout. Inutile de tenter une approche avec un argument tangible, il le dégommera. Son raisonnement est inébranlable et sa logique implacable. C’est un peu le premier de la classe qui s’abaisse parfois à instruire les cancres que nous sommes. À grand renfort de liens vers une vidéo Youtube à laquelle on ne comprend rien, il exprime toute sa condescendance envers les béotiens que nous sommes. Il pourrait presque être sympa et utile s’il n’était pas aussi méprisant et arrogant.
3. Le justicier
À l’instar de Zorro, mais en moins classe, le justicier du web ne chevauche pas un noble destrier. Il est plus souvent en slip derrière son écran. C’est bon, vous avez l’image? Le justicier, comme son nom l’indique, est là pour rétablir la vérité en ce monde où les valeurs se perdent dans la fange d’un jmenfoutisme assumé. À force de se les gratter, on en oublie que la guerre c’est pas bien, l’injustice c’est inéquitable, la méchanceté c’est pas gentil… Bref, toutes ces vérités primordiales, à côté desquelles on pourrait passer et poursuivre sa vie dans le déni le plus total, le Robin des Bois nous les sert sur un plateau. Une question se pose alors: que deviendrions-nous sans lui?
4. Le « j’dis ça, j’dis rien »
Dans un dessin animé, ce serait le serpent. Il endort son auditoire à grand renfort de « je suis d’accord avec vous » et autres « vous avez raison » avant de lâcher une petite phrase assassine qui prend tout le monde au dépourvu. Redoutable sous ses airs inoffensifs, le j’dis ça, j’dis rien est un hater un peu plus subtil et retors que la moyenne.
5. Le complotiste
On a gardé le meilleur pour la fin! Le complotiste construit son dogme sur le culte de l’à peu près. Il élabore ses raisonnements sur des vidéos qui démontrent si bien des théories fausses qu’on les croirait les yeux fermés… sauf que pour comprendre le monde, il est préférable de les ouvrir. Il se gave de préceptes prémâchées parce qu’au fond, il faut bien reconnaître que chercher des vraies informations, c’est fatigant.
Le complotiste (en un mot, je vous prie) pourrait être quelqu’un de sympathique s’il n’avait pas décidé de partir en croisade et de rallier tous les ignorants que nous sommes à sa noble cause: la vérité à tout prix. Et puis, il ne faut pas oublier que ses interventions ont pour principal but d’apporter un peu de lumière sur sa personne, lui qui ne se laisse pas berner par les fausses informations qui passent en boucle sur BFMTV.
Ah oui, j’allais oublier : il se voit comme un lanceur d’alerte, sauf que le véritable lanceur d’alerte (certifié sans OGM) vérifie ses informations, lui.
In fine veritas
Loin de vouloir stigmatiser certains agissements, cet article est là pour nous sensibiliser à notre comportement sur les réseaux sociaux. Car, chacun d’entre nous peut, un jour où l’autre, traverser le miroir et se retrouver du côté obscur de la bêtise.
Alors, avant de commenter un article ou un post, ne serait-il pas judicieux de se poser quelques questions comme:
– Mes propos sont-ils bienveillants? Cohérents?
– Est-ce que je risque de blesser quelqu’un en écrivant ces mots?
– Mon commentaire est-il constructif?
La règle d’or
ne jamais commenter à chaud,
sous le coup de l’émotion.
Avec un soupçon de respect et d’ouverture, nous pourrions rendre les réseaux sociaux et les échanges un peu plus humains. Moi, par exemple, je sais que les chats sont des extra-terrestres, mais je ne vais pas chercher à en persuader tout mon entourage. Parce qu’une conviction, c’est personnel et que chacun est libre de penser ce qu’il veut, n’en déplaise aux autres.
La rédaction de Découverte décline toute responsabilité quant aux propos de ses journalistes et tient à s’excuser d’avance auprès des profils pré-cités dans les paragraphes de cet article. Malheureusement, ils ne le sauront jamais vu qu’ils ne lisent pas les posts plus loin que le titre :).
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