Baptiser une rubrique « entreprendre » par un édito sur l’échec peut alerter nos lecteurs sur le bien-fondé de mes desseins et peut-être même mon état mental. Mais, rassurez-vous : je ne suis pas fou (c’est évidemment ce que disent tous les fous) car cette irrévérence démontre avec force et finesse l’esprit d’action de Découverte : sauter les barrières, emprunter les chemins de traverse tout en s’éloignant du politiquement correct pour mettre en exergue, sans langue de bois, les étapes du parcours de l’entrepreneur.
Prenons un exemple concret
Quelle métaphore serait plus explicite qu’une partie d’échec? Aucune! Lorsqu’au cours d’une partie, on se retrouve soudainement en échec face à l’adversaire, il faut trouver une solution dans l’urgence. Or, c’est dans l’urgence qu’on commet le plus souvent des erreurs car on n’évalue pas le risque avec suffisamment de recul et de sang-froid. Alors, on agit. Pour faire quelque chose, pour se tirer du mauvais pas. En agissant à l’instinct sur l’instant, on avance à découvert, à la merci du premier orage, du premier rapace, on court sans but, on fuit… Ou bien on reste paralysé, incapable du moindre mouvement. C’est ce qu’on appelle dans l’aviation le « startle effect ».
Dès lors, on peut choisir d’être la biche apeurée, tétanisée et éblouie par la violence soudaine des phares dans la nuit. Ou alors, pour éviter la surprise, on peut s’y préparer en anticipant. Car, celui qui planifie et se projette dans des situations éventuelles, aura dans la majorité des cas déjà trouvé une parade. Avant même que le coup soit joué. Si c’est le cas, il a eu le temps de réfléchir posément à la stratégie à mettre en oeuvre, aux coups suivants qu’il devra jouer pour ne pas juste se tirer d’un mauvais pas sans savoir ce qui va lui tomber dessus à la prochaine attaque de son adversaire.
C’est la loose mais c’est pas grave
La partie est finie. Malgré vos ultimes tentatives, la stratégie et tout le coeur que vous avez mis à l’ouvrage, vous êtes « échec et mal ». Mais une partie, ce n’est pas une vie. Même si l’échec affaiblit, il ne tue pas. Il suffit d’avoir encore assez de force et de mental (le mindset que l’on abordera dans une prochaine rubrique) pour analyser les causes, relativiser les dommages, réévaluer l’environnement, réajuster les armes, trouver les points faibles de son adversaire et transformer l’échec en une expérience constructive qui, loin de nous avoir achevé, nous a rendu plus sage et plus combattif.
Attention, je ne dis pas que c’est facile! Imaginer un projet, le construire jour après jour, nourrir des espoirs fous, le voir se matérialiser jour après jour avec des étoiles dans les yeux, y placer sa fierté en proue, travailler d’arrache-pied, mettre de côté les plaisirs, la famille, les amis pour avancer vers ce graal qui, un jour, se désagrège et finit comme un tas de gravats au bord d’une route départementale. Bien sûr que c’est douloureux, rageant, déprimant. Mais, encore une fois, on a perdu la bataille, pas la guerre.
Alors, on replace les pièces sur l’échiquier et une nouvelle partie peut débuter. La votre!
La recette-miracle existe mais…
Comment être certain de ne pas connaître l’échec ? Existe-t-il une recette ? Oui, absolument. Et elle est d’une simplicité absolue : en ne faisant rien, jamais rien. Ne pas oser, ne rien tenter, suivre des voies maintes fois foulées par des générations de brebis, obéir. Voilà la recette-miracle! Un état d’esprit, vous en conviendrez, aux antipodes de la vision panoramique de l’entrepreneur qui sommeille en vous, non?
Aristote a dit : « Le courage est le juste milieu entre la peur et l’audace ». Être courageux, c’est prendre le risque de prendre des risques. Et oui, j’assume totalement cette phrase piquée à Franck Ribéry. Ce que je veux dire par là, c’est que toute action induit implicitement une part de risque. Alors, plutôt que de le craindre, pourquoi ne pas l’apprivoiser.
Découvrez ici d’autres articles de Philippe Monnier.
Sortir du cadre
Car, au fond, quel est le premier obstacle qui se dresse sur le chemin de l’entrepreneur ? La peur de l’échec ! Évidemment ! Alors, à quoi bon parler de résultats, d’investissement, de plan marketing à quelqu’un qui a peur ? À rien ! Autant prêcher dans le désert. La peur voile l’horizon. La peur empêche de réfléchir posément. La peur réduit non seulement notre champ visuel mais aussi le champ des possibles! La peur fait des dégâts considérables, bien plus effroyables que l’échec, lui-même.
Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends.
Nelson Mandela
Savoir rebondir
L’échec n’est pas une spirale. Si on parvient à le sublimer en expérience, en leçon de vie, l’échec devient une boussole qui nous guide sur le bon chemin et nous indique, si ce n’est la direction à suivre, au moins celle à ne pas suivre.
Le droit de se tromper est, à mon sens, un droit fondamental. Il fait grandir celui qui s’y confronte. La liberté d’essayer, d’aller au bout des choses, même si c’est pour se rendre compte, au final, qu’on s’est trompé, est une expérience formatrice. Ce qu’on appelle familièrement « un mal pour un bien ». Et, en dépit des apparences, cette épreuve nous apporte des réponses. Sur nous-même, bien souvent. Elle nous rend plus fort, plus humble parfois, plus sage… En bref, elle nous offre une expérience inédite qu’on n’aurait jamais vécue si on était resté dans son petit confort douillet.
L’enfer, c’est les autres
Malheureusement, l’échec est encore plus cuisant lorsqu’on le perçoit dans le regard des autres : ceux qui nous avaient dit « mais ça ne marchera jamais! » ou » tu es certain que c’est le bon moment pour te lancer? » et qui, aujourd’hui, jubilent d’avoir eu raison. Pourquoi? Parce qu’à l’inverse du succès qui leur renvoie leur peur d’entreprendre en pleines dents, l’échec des autres les conforte dans leur immobilisme confortable. Je vous avais prévenu: l’enfer, c’est les autres.
Alors que, bien évidemment, l’échec n’est pas la fin de tout. Pour preuve: de nombreux génies en ont essuyé, et des cuisants, avant de parvenir à leurs fins: Henri Ford, Bill Gates et même Thomas Edison, l’inventeur de l’ampoule qui a créé pas moins de 1000 modèles avant de trouver la bonne! Alors si on relativise, vous en êtes à combien de modèles? Un, deux au maximum, non? Bien loin des 1000, en tout cas! Alors, ne laissez en aucun cas le jugement des autres anesthésier cette énergie qui bouillonne en vous.
« Le succès c’est tomber sept fois, se relever huit »
Proverbe japonais
Errare humanum est
En guise de conclusion, je vous propose de revenir sur ce qu’il faut retenir de cet article:
La règle d’or est l’anticipation. Toujours avoir un coup d’avance vous garantit réactivité et action immédiate et contrôlée. N’oubliez pas que si vous tirez sur la corde raide et sur les délais, au moindre grain de sable dans les rouages, la machine explose. Gérer le temps et les imprévus est une priorité absolue.
Ensuite, relativisez, analysez et préparez la suite. Et surtout, prenez de la hauteur, de la distance pour appréhender la situation dans la globalité.
Enfin, comme évoqué plus haut, qui ne tente rien n’a rien: pas d’ennuis, pas de problèmes, mais pas de récompense, pas de fierté, pas d’envie d’aller encore plus loin. Alors, même si dans la vie on ne peut pas toujours tout réussir, réussissez au moins vos échecs !
Découvrez ici d’autres articles de Philippe Monnier.